Cléo, six ans, aime inconditionnellement Gloria. Gloria, c’est sa nounou capverdienne, sa maman de cœur. Lorsque cette dernière doit retourner d’urgence dans son pays natal, le monde de Cléo s’effondre. Gloria l’invite alors à la rejoindre sur son île, le temps d’un été.
àma Gloria prend le parti d’être à la hauteur et au plus près de son héroïne, Cléo. C’est à travers le point de vue de cette fillette de six ans que l’on découvre son monde. L’observant derrière ses grosses lunettes, son attention se porte sur la beauté du visuel et du sonore. En accord avec elle, le film développe un travail minutieux sur la couleur et le son qui ouvrent, chacun à leur manière, de nouveaux espaces d’expression pour Cléo. Les couleurs se répondent et se mêlent dans la salle de classe ou dans la cour de récréation, jusqu’à devenir de superbes animations aux teintes rosées, orangées et violettes, permettant de sublimes ellipses, entre rêve et souvenir.
Étymologiquement, Cléo signifie « la gloire du père ». À raison, car, pour son père, parent isolé, Cléo est la prunelle de ses yeux. Mais avant tout, ce prénom, si habilement choisi, établit déjà un premier lien entre la petite fille et sa nounou, Gloria. Comme si, dès la naissance de l’enfant, elles étaient destinées à se trouver et s’aimer. Le film est parsemé de ces évidences, des éléments pavant le chemin du spectateur qui affirment, discrètement, la profondeur du lien qui les unit. Pour Cléo et Gloria, le langage passe avant tout par le regard, fil conducteur entre les deux héroïnes. C’est d’ailleurs grâce à l’impressionnante maturité et la richesse du prisme émotionnel de la jeune actrice, Louise-Mauroy Panzani, que ces émotions et ces non-dits s’expriment.
Le proverbe « loin des yeux, loin du cœur » ne se vérifie pas ici. Lorsque survient la rupture et que Gloria est contrainte de rentrer au Cap-Vert, les yeux de Cléo n’ont de cesse de la retrouver. àma Gloria montre que faire famille, ce n’est pas être lié par le sang. Gloria est une mère pour Cléo. S’inscrivant dans la lignée de Buladò ou Aftersun, la caméra est douce et pudique et la cadre ne presse jamais les personnages, laissant les émotions éclore à l'écran. C’est sûrement le désir de véracité et le vécu de la réalisatrice qui permettent à àma Gloria d’être une œuvre aussi sincère et touchante.
Lire la suite MasquerDes collaborations multiples
Marie Amachoukeli a étudié dans la célèbre école de cinéma parisienne, la Fémis. En 2008, elle co-réalise le documentaire Forbach avec Claire Burger, récompensé du Prix du Meilleur court métrage au Festival du court-métrage de Clermont-Ferrand. Toujours avec Claire Burger, en 2009, elle co-réalise C’est gratuit pour les filles, primé du César du Meilleur court métrage, et Demolition Party, en 2013. En 2017, elle collabore avec Vladimir Mavounia-Kouka pour le cartoon noir et blanc, I want Pluto to be a planet again, nommé aux César 2018. En 2014, elle se tourne vers le long métrage avec Party Girl, co-réalisé avec Claire Burger et Samuel Theis. En tant que scénariste, elle a notamment collaboré avec Vincent Mariette, Clément Cogitore, Guillaume Gouix et Julia Ducournau.
Une co-réalisation animée
Pour ce nouveau projet, Marie Amachoukeli a décidé d’intégrer des séquences de cinéma d'animation dans son film. Pour ce faire, elle a collaboré avec le réalisateur et illustrateur Pierre-Emmanuel Lyet. Il a notamment réalisé plusieurs courts métrages d’animation dont Parade et La Nuit Américaine d'Angélique ainsi que des programmes jeunesse pour France TV comme Pierre & le Loup et Luz et les Sonidos.
Naissance en festival
En mai 2023, àma Gloria a été projeté en première mondiale en ouverture de la Semaine de la Critique, une des sections parallèles du Festival de Cannes. Un beau début de carrière pour le film de Marie Amachoukeli ! Vous pouvez retrouver un entretien avec la réalisatrice dans le dossier de presse réalisé par le distributeur Pyramide Distribution.
Une inspiration très personnelle
àma Gloria est un film autobiographique. La réalisatrice Marie Amachoukeli l’a dédié à Laurinda Correia, la femme portugaise qui s’est occupée d’elle lorsqu’elle était enfant, et qui était également la concierge de son immeuble. « Avec ce film, j’avais envie de raconter la place de quelqu’un qui s’occupe d’un enfant pour gagner de l’argent car c’est son travail, et comment parfois cela déborde. »
Une découverte du Cap-Vert
Après avoir exploré Paris avec Cléo et Gloria, la seconde partie du film se déroule au Cap-Vert. Ce pays est un archipel composé de dix îles volcaniques, à l’ouest des côtes du Sénégal et de la Mauritanie. Au sud, on trouve les îles de Sotavento (Brava, Fogo, Santiago et Maio) et au nord, les îles de Barlavento (Boa Vista, Sal, São Nicolau, Santa Luzia, São Vicente et Santo Antão). Dans le film, la partie cap-verdienne a été tournée à Tarrafal au nord de Santiago, la plus grande île de l’archipel.
Un film bilingue
Dans Àma Gloria, on navigue entre la France et le Cap-Vert. Pour cette même raison, deux langues sont parlées : le français et le créole capverdien. La réalisatrice s’exprime à ce sujet : « Même si le portugais est la langue officielle du pays, je tenais à ce que le film soit dans la langue parlée sur l’île. Le créole, c’est la langue des esclaves, une langue qui n’est pas apprise à l’école, une langue elle aussi taboue en un sens, depuis l’époque coloniale. »
Subtil et touchant, àma Gloria est accessible dès 10 ans afin de comprendre toute la finesse de la relation qui lie Cléo et Gloria ainsi que la complexité des émotions qui traversent la petite fille.